J’ai osé. J’ai surfé.

J’ai osé, j’ai surfé (Ou comment j’ai commencé le surf à 45 ans)

Aussi loin que je me souvienne, le surf m’a toujours attirée. Et je me suis aussi toujours dit que c’était beaucoup trop difficile. Et puis, le sport, ça n’a jamais été mon truc. Enfin, c’est ce que je croyais.

« Tu n’es pas sportive, c’est tout ! » m’a dit ma mère quand je suis revenue, accablée, avec mon bulletin de notes : 8/20 de moyenne en sport, alors que je cartonnais dans toutes les autres matières, la honte ! Ce n’était pas gravé dans le marbre, mais c’était déjà écrit, signé de la main de la maîtresse, de la directrice, et de mes parents : bien assez pour que germe la croyance « Je suis nulle en sport ».

Ça continué au collège, avec une petite phrase assassine, balancée l’air de rien par Mademoiselle Borgnier, ma prof de sport : « Tout dans la tête, rien dans les jambes ! ». J’avais eu envie de lui répondre : « Euh, tout l’inverse de vous, en fait… ».  J’avais ravalé ma salive, n’en pensant pas moins. Le mal était fait.

La croyance bien ancrée et acceptée, j’ai continué mon chemin de « pas sportive » jusqu’à ce que mon amoureux de l’époque me propose de me mettre au snowboard. Quoa ?? Moi ?? Jamais !! J’avais essayé le monoski, une seule et unique fois dans ma vie : j’aurais eu les deux pieds dans un seau, c’était pareil. Jamais je n’avais eu autant de bleus de ma vie : la Schtroumpfette, mais en pas glamour du tout. Je m’étais jurée qu’on ne m’y reprendrait plus.

Pourtant, mon ego a pris le dessus, certainement parce que c’était « cool » de faire du snowboard. J’ai acheté d’occasion une planche de snowboard alpin. Vous voyez, le tout grand là, hyper difficile, qu’on utilise avec des chaussures de ski (que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre – il a pratiquement disparu aussi vite qu’il est arrivé).

Comment vous dire… Ca a été à peu près aussi catastrophique que le monoski. J’ai bien compris le sens de l’expression « un crapaud sur une boite d’allumettes » !

Pourtant, j’ai continué (ne me demandez pas pourquoi !) avec autre type de snowboard : plus facile, certes, mais crapaud quand même. Heureusement, le ridicule ne tue pas. Moi par contre, j’aurais pu étrangler de mes propres mains mon copain qui me disait « Just turn, it’s easy ! » (il était anglais). Ben non, s’il y avait « just » à tourner, je l’aurais « just » fait !!

J’ai pourtant persisté (têtue, moi ? Nan… persévérante, c’est pas pareil), malgré le conseil maternel « Enfin, reprends des skis, tu n’y arriveras jamais ! »

Dois – je remercier ma mère, mon esprit de contradiction ou mon ego ?

Malgré une fracture de deux métacarpes, une luxation du poignet, de la cheville et un léger traumatisme crânien (pas tout en même temps), j’ai fini par progresser petit à petit, y prendre goût, et adorer ça.

Je suis si heureuse aujourd’hui de ne pas avoir lâché. Il y avait du pain sur la planche (fallait bien que je la fasse…) mais avec le recul, j’ai compris que j’avais besoin de temps pour intégrer. J’étais, je suis, osons le dire… lente.

Aujourd’hui, je l’assume tout à fait. Enfin, presque.

De là à surfer sur l’eau, il n’y avait que quelques degrés (poudreuse et vagues, c’est le même élément), que je n’ai jamais franchi en plus de 20 ans. Pas pour moi, tant pis. Dans une autre vie, je grandirai peut – être au bord de l’océan, je serai une surfeuse cool aux cheveux décolorés par le sel et le soleil. Mais dans cette vie – là, j’ai grandi dans le rude climat des Ardennes, et croyez – moi, il n’y avait pas beaucoup de vagues sur la Meuse (et pas davantage maintenant d’ailleurs).

J’ai donc cru pendant des années que je ne monterai jamais sur une planche de surf. Sans grand regret finalement, car j’ai fait une foultitude d’autres choses, comme notamment me former au coaching, où j’ai ouvert la boite de Pandore des croyances limitantes et autres injonctions.

Tiens, au hasard, les 5 « drivers » identifiés par Taibi Kahler : sois parfait(e), sois fort(e), fais des efforts, fais plaisir et fais vite.

En les découvrant, j’ai eu l’impression d’avoir les 5 collés sur mon front depuis toujours sans le savoir (vous voyez ce jeu, « Devine- tête », où l’on a un post it sur le front, et tout le monde sait ce qui est écrit dessus, sauf vous… : pareil !).

Alors, commencer un nouveau sport avec ces étiquettes, et en étant lente en plus ? Même pas en rêve.

Et puis à mon âge ! Je trouvais déjà que commencer le snowboard à 22 ans, c’était vieux.

A 25 ans, j’étais partie au Pérou en vacances avec ma cousine. Dans notre groupe, Joëlle, 46 ans, avait fait un malaise dû à l’altitude. A l’époque, ça nous avait paru un peu « normal » : on ne fait pas un treck dans les hauts plateaux andins quand on est « senior ». Car oui, nous appelions « seniors » les personnes de cet âge respectable et ancien.

Cette semaine, patatrac, j’ai basculé du côté obscur, je suis devenue senior. Pourtant, je ne me sens toujours pas « adulte » (me sentirais – je un jour une « grande personne » ? Je suis maman de pré- ados, et toujours pas…).

Bref, cette même cousine, devenue senior elle aussi, et avec qui je rigole toujours comme si on avait 8 ans et demi (pourvu que ça dure), m’a proposé de partir en vacances en famille à Essaouira. La semaine de mon anniversaire – quel heureux hasard.

Mais dis donc, ce serait – y pas un super spot de surf ça ? Allez, banco, on inscrit les enfants à un stage.

Et là, ne me demandez pas ce qui m’a pris, je me suis jetée à l’eau (ok, elle était facile aussi, celle – ci) : « Je m’inscris ! » C’est sorti comme ça. En m’entendant, je me demandais intérieurement si c’était vraiment moi qui étais en train de dire ça !

D’ailleurs, j’ai eu cette même impression « Attends une seconde, c’est vraiment moi qui suis en train de dire ça, là ??? » dans le spa de l’hôtel à Essaouira. Figurez – vous que j’étais dans un Hammam… tiède. J’en suis donc sortie pour prévenir la réception et suis tombée nez à nez avec un monsieur que j’ai aimablement prévenu : « Le hammam ne fonctionne pas », tout en pensant (impression très étrange) : « Non mais, c’est vraiment à lui que je suis en train de dire cette banalité affligeante ? » Mon chanteur préféré, à qui je dis juste (Juste !!!) que le hammam est en panne ! Et puis je m’en vais, l’air de rien ?

Ben oui, j’ai pas osé dire autre chose à … Mathieu Chédid en peignoir blanc au Spa.

Bref, j’ai inscrit les enfants et mon enfant intérieur à un stage de surf.

J’ai adoré.

J’ai adoré la discipline, bien sûr, le plaisir d’être dans l’océan et la fraicheur vivifiante des vagues, la fierté de réussir à se mettre à peu près debout sur la planche, les prémisses des sensations de glisse.

Et j’ai adoré bien plus encore : j’ai adoré tous les enseignements autour du stage, véritables cadeaux inattendus.

J’ai adoré les enseignements des enfants.

Les occasions sont bien trop rares d’être en cours ensemble, petits et grands mélangés, tous débutants.

Regarder les enfants est déjà un pur bonheur : tout à l’excitation de la première fois, ils se précipitent dans l’eau, ils s’éclaboussent, ils écarquillent grand les yeux, ils rient, ils vivent, ils vibrent.

Dès la première vague, ils se sont mis debout sur la planche ! Et avec une facilité déconcertante, en plus. Poissons versus crapaud. Il est vrai que c’est plus facile pour eux, avec leurs fesses de crevettes et un centre de gravité à peine au dessus de la vague. Et puis, ces grands en devenir sont bien moins pétris de doutes, de peurs et de croyances que nous. Ils ne se demandent pas s’ils vont réussir à se lever. Ils y vont pour cela ! Ils sont moins pollués par le mental (si vous aviez pu m’entendre penser : « bon là, c’est le moment, il faut que je ramène les genoux, attends, j’ai bien les mains au bon endroit, oui, ça y est, bon ben il faut que je me lève, c’est maintenant mince, je fais quoi après, non, c’est pas le bon pied, si, mais alors pourquoi je suis complètement déséquilibrée, ah, oui, plie les genoux, qu’il a dit… euh mais je suis sur le sable là…).

Non seulement ils sont à l’aise, mais ils trouvent le temps de me donner des conseils : « Maman, essaie de te lever plus vite ». J’ai envie de répondre que je ne fais pas 35 kilos toute mouillée, moi, mais je ne dis rien et je souris de leur innocence et les regarde avec admiration. Ils trouvent même le temps de m’encourager : « C’est bien maman, tu y arrives ! » – je crois qu’ils n’en reviennent pas !

Rien à dire, sur une planche de surf, nos petits sont les grands : ce sont eux qui nous donnent une belle leçon de vie.

J’ai adoré les clins d’œil à l’acceptation.

J’ai adoré quand le moniteur (lui aussi) m’a dit que je mettais du temps à me lever. Loin de me vexer, j’ai « normalisé » : « Oh, tu sais Mustapha, moi, j’apprends lentement, c’est ma nature, c’est mon rythme. Tu connais l’expression lentement mais sûrement ? ».

Nan… ! Il ne va ni lentement, ni surement, lui, il va à fond.

Moi, j’ai accepté la lenteur de mon apprentissage, mais j’ai presque deux fois ses 23 ans. A cet âge – là, c’était inacceptable. Il fallait être bon, il fallait être rapide. Sois fort(e), sois parfait (e), dépêche – toi.

Maintenant, je m’amuse à choisir d’autres injonctions : Sois lente. Ne fais qu’une seule chose à la fois.

Pas toujours facile quand on a plus de 40 ans d’automatisme. Mais quel bonheur de pouvoir répondre au moniteur que je suis lente, et que c’est accepté !

J’ai aussi adoré quand, dès le premier cours, il m’a dit « Tu sais, Ciline, je crois que tu réfléchis trop ! ».

J’ai ri, car j’ai accepté ça aussi, c’est même l’histoire de ma vie ! Balèze quand même, il m’a cernée en 15 minutes alors qu’il m’aura fallu 30 ans pour réaliser cela !

De façon plus pragmatique, le surf est une voie royale vers l’acceptation.

Accepter la météo parfois glacée, le vent parfois cinglant, les vagues, tantôt trop petites, trop grosses, pas assez nombreuses, voire pas là du tout.

Accepter que même quand toutes les conditions semblent réunies pour surfer « sa vague », on puisse la manquer. Accepter, et recommencer, sans relâche.

Accepter les jours « sans » : sans vagues, sans soleil, sans énergie… qui sont aussi des jours « avec »… d’autres choses.

C’est peut – être le seul avantage que j’avais sur les enfants qui piaffaient d’impatience et s’agaçaient quand les conditions n’étaient pas idéales. A 45 ans, j’accepte plus facilement et je patiente (un peu) plus. La fougue de la jeunesse versus la maturité.

Eux ne voient pas encore le lien avec la sérénité.

Accepte, au lieu d’espérer, tu seras moins déçu.

J’ai adoré expérimenter la pleine conscience du surf.

La méditation n’est autre qu’être le témoin, l’observateur de l’ici et maintenant, que l’on soit statique ou en mouvement. La pleine conscience, c’est cultiver une présence attentive et bienveillante, sans jugement, à ce qui se passe dans le moment présent.

Le surf est un formidable exemple de méditation dynamique : quand on surfe, il n’y a pas d’autre choix que d’être pleinement, et avec tous ses sens, dans le moment présent. Dans l’ici et maintenant. Surfer, c’est de la pleine conscience en mouvement.

Etre attentif, observer, reconnaitre puis choisir d’y aller ou pas. Attendre, les sens en éveil, pleinement dans l’instant, le goût de l’eau salée dans la bouche, percevoir le bruit particulier de la vague que l’on s’apprête à prendre, la sentir qui se rapproche, prête à nous emmener, nous griser, ou nous engloutir si on n’est pas pleinement présent, mal positionné, ou encore distrait.

Impossible d’être en train de penser à autre chose quand on pratique le surf.

Pleine conscience, connexion au corps et au cœur, lien avec les éléments et avec l’invisible, méditation, acceptation… c’est finalement tout ce que l’on retrouve dans un stage de Développement Naturel.

Alors, c’est décidé, je vais revenir à Essaouira. J’organise un stage Surf et Méditation au printemps prochain : méditation en mouvement avec le surf (pour ceux qui veulent) et la marche dans les dunes, méditation statique en connexion avec l’océan et l’invisible.

On ne voit pas le vent, et pourtant, on voit les nuages bouger.

Ça vous dit de venir voir bouger les nuages ? De vous jeter à l’eau ?  Je me suis bien mise au surf à 45 ans, alors pourquoi pas vous ?!

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